Une architecture à l’instar des pionniers : Retour sur le concours de la Place des Pionniers
Un projet signé BGLA │ A4 │ CIMA+ │ Rousseau Lefebvre
En mai 2021 avait lieu la présentation devant public de notre prestation pour le concours d’architecture de la Place des Pionniers présenté par la Ville de Gatineau. Parmi les quatre propositions finalistes, notre concept Awaike s’est hissé au titre de coup de cœur du public. Deux éléments clés du parti architectural privilégié par notre équipe ont en effet contribué grandement à l’obtention de cette nomination.
D’une part, nous voulions ancrer le bâtiment dans le lieu, l’histoire d’Aylmer, le contexte à usage mixte de la rue Principale, lui donner la mission d’ouvrir le passage, d’être un lieu où l’on s’arrête pour acquérir et transmettre des connaissances, des expériences, du vécu. N’est-ce pas la mission même d’une bibliothèque? Notre concept vise en effet à ouvrir un dialogue logique entre la nouvelle Place des Pionniers, le parc Commémoratif et l’église St-Andrew, mais aussi avec tout ce qui forge la richesse d’Aylmer. Avec ses trois niveaux amplement fenestrés, la lanterne, cette portion du bâtiment qui se distingue par sa forme allongée lumineuse et plus haute que le reste de l’édifice, offre un panorama exceptionnel sur la ville et la rivière, des lieux que nous voulions mettre en valeur à travers notre conception. Les différentes attractions ont en effet guidé à leur manière la forme que le bâtiment a prise, puis l’histoire d’Aylmer et de la région le choix de maints matériaux. Ainsi, à l’instar des maisons ponctuant la rue Principale, la pierre et la brique ont trouvé leur place au rez-de-chaussée, alors que le bois s’est vite greffé à la structure globale de l’édifice.
D’autre part, de manière plus audacieuse, nous avons reculé l’empreinte du bâtiment pour créer une place publique minérale sur la rue Principale afin d’offrir d’autres usages à la Place des Pionniers. L’intégration de cet espace au concept proposé est le fruit d’une réflexion en lien avec le lieu d’implantation et les besoins des citoyen.ne.s, et n’est pas issu d’une demande du programme préparé par la Ville de Gatineau. En effet, l’avant de la bibliothèque sert de lieu de rencontre actuellement, mais ne permet pas d’importants rassemblements sans déborder sur la rue, ce qui nuit à la circulation et réduit les opportunités. Durant la rencontre réalisée avec les citoyen.ne.s, ils.elles ont clairement exprimé le désir d’offrir au Vieux-Aylmer de nouveaux lieux de rencontre et de rassemblement. Notre équipe a ainsi saisi cette opportunité pour mettre en scène cet espace magistral, surplombé en partie par la lanterne jouant ici le rôle d’un toit, ce qui a requis un recul du bâtiment par rapport à la rue et permis d’occuper l’espace au-dessus du stationnement en surface.
Alors comment expliquer le fait que nous n’ayons pas réussi à obtenir la faveur du jury bien que les citoyen.ne.s aient clairement exprimé le désir d’une place publique lors de la rencontre de consultation? Avec un certain recul, et bien que nous soyons toujours convaincus de la plus-value de cette direction conceptuelle et du dynamisme qu’elle insuffle à la rue Principale, nous comprenons que l’ajout d’une place publique au programme n’a obtenu aucune reconnaissance en termes de pointage parce qu’elle constituait une bonification du programme. Le fait d’avoir tenu compte des commentaires et des désirs des citoyen.ne.s n’a pas su séduire le jury ni permis d’ajouter quelques points à l’évaluation tel qu’espéré.
Par ailleurs, selon les membres du jury, la fragmentation proposée des volumes et des espaces a contribué au morcèlement des lieux, puis provoqué des enjeux au niveau de la sécurité en créant de nombreux angles morts aux yeux du personnel et des caméras de surveillance. Du point de vue de l’équipe, ce choix visait à donner une personnalité et une ambiance différentes à chaque lieu en fonction de sa position dans le quartier et de sa clientèle. En effet, en fractionnant les espaces pour les adapter à des groupes précis, nous avons pu concevoir une personnalité distincte pour chaque lieu et offrir par ricochet des points de repère à la clientèle circulant dans le bâtiment. La configuration proposée met donc en scène le rez-de-chaussée dédié aux collections et espaces pour enfants, l’estrade du deuxième niveau abritant les collections et espaces pour adolescent.e.s, la lanterne consacrée aux collections et espaces pour adultes, puis l’extension nord réservée aux espaces administratifs. Disposées autour d’un escalier central jouant le rôle de cœur de l’ensemble, les pièces s’articulent, se voient connectées harmonieusement les unes aux autres. Même les espaces administratifs sont traités à même le programme primaire et proposent une configuration pouvant se métamorphoser facilement en prolongement de la bibliothèque.
Pouvons-nous ainsi affirmer que le sentiment de bien-être et de confort généré au contact de ces lieux beaux et lumineux favorise une occupation saine, offre une sécurité plus naturelle au lieu de technique (caméras et personnel de sécurité)? Aux yeux de notre équipe de conception et selon plusieurs études réalisées en ce sens, les lieux pour lesquels nous nous sommes impliqués et avons participé au processus de réflexion sont protégés et aimés, car nous nous y identifions. Pour toutes ces raisons, ces endroits sont rarement le théâtre de vandalisme ou de crimes sur la personne, puis posent peu d’enjeux en termes de sécurité.
En conclusion, au-delà de la compétition, la passion de l’architecture au service de l’humain a su guider la vision de l’équipe et éveiller passion et fierté au sein du groupe. Porter le regard plus loin, faire un pas en marge des règles établies, oser. Grandiose Awaike.