Il est largement admis que la construction d’infrastructures majeures a un effet structurant sur les villes et, par conséquent, un impact considérable sur l’environnement. Pourtant, le terrain choisi par le gouvernement du Québec pour accueillir le nouveau centre hospitalier de Gatineau ne semble pas sensible à ces arguments. La médiatisation de cette nouvelle a suscité la stupéfaction du grand public ainsi que des débats houleux sur le sujet. Le Lab A4 souhaite prendre part aux discussions et proposer au sein de celles-ci sa vision stratégique pour le développement du centre-ville de Gatineau.
En effet, tel que publié récemment sur le site web et les réseaux sociaux de la firme (https://a4architecture.ca/projets/affluents), la stratégie urbaine développée par les membres du Lab A4 intitulée Affluents prône la construction du nouveau centre hospitalier au centre-ville de Gatineau. Il s’agit d’une vision se trouvant à l’opposé de ce qui a été décidé par le gouvernement, le terrain choisi pour ce projet étant situé à la périphérie nord de la ville. Ce choix favorisera indéniablement l’étalement au détriment d’un renouvellement urbain des quartiers centraux existants. Le Lab A4 propose dans cet article un aperçu de la planification des lieux destinés à la santé et, par ricochet, des constructions hospitalières à l’ère du développement durable urbain afin de déterminer le meilleur emplacement à retenir pour ce projet.
Nous constatons que les questions liées à la santé font partie des principaux débats de société du 21e siècle. Mais qu’est-ce qu’une planification de la santé ou sanitaire? Il est certain qu’elle n’a pas pour seul objectif les soins! Pour l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), toute planification doit tenir compte des déterminants sociaux, notamment l’exclusion sociale, les transitions démographiques ou encore le logement, mais aussi inclure la politique des transports et l’aspect environnemental. Il en ressort que toute action publique et tout projet d’aménagement ou de construction en faveur de la santé doit être soutenu par une démarche commune et en conjonction avec les réponses à apporter aux besoins des territoires avec les acteurs de la ville. De plus en plus, les acteurs du milieu de la santé s’engagent dans des démarches de co-construction qui promeuvent la prise en compte des parcours de santé (sages-femmes, infirmiers, etc.) et leur cohérence. Ces derniers doivent aussi tenir compte de la fréquence des passages à l’urgence, qui met en évidence l’importance du lien ville/hôpital afin que les patients bénéficient d’une prise en charge rapide et adaptée, accessible géographiquement et financièrement. Il est important de noter que le futur hôpital est destiné à un territoire plus large que celui de la ville de Gatineau et qu’il sera primordial de l’implanter dans une zone adéquatement desservie par les axes territoriaux existants pour favoriser le lien entre l’hôpital et la région administrative de l’Outaouais.
Dans le cas du projet du nouveau centre hospitalier de Gatineau, le lien ville/hôpital s’avère particulièrement complexe. Ce projet, qui se veut un centre hospitalier universitaire (CHU), a pour objectif d’offrir à la population locale différentes prestations de services de soins, mais aussi de la formation, des emplois et lieux de consommation qui généreront des retombées économiques considérables. Ces fonctions ont à leur tour des conséquences avérées en matière d’organisation de l’espace. L’hôpital sera donc un espace polarisé, ce qui renvoie systématiquement à la notion de place centrale et attractive. De ce fait, un tel projet représente un atout de développement local majeur pour la ville de Gatineau et sera un prétexte pour son développement vers le nord.
En effet, le site choisi par le gouvernement pour la construction de ce projet se trouve dans un secteur peu urbanisé. La ville poursuivra ainsi inévitablement son étalement vers le nord, et, par conséquent, sur les terrains agricoles et la réserve écologique du parc de la Gatineau qui lui sont limitrophes. Une étude portant sur le développement des hôpitaux au Québec témoigne pourtant de l’effet de la croissance du réseau hospitalier sur l’étalement urbain et de la dispersion territoriale[1]. L’emplacement proposé par le gouvernement s’aligne davantage sur les exigences d’un hôpital spécialisé tel un hôpital antituberculeux ou pour maladies chroniques généralement construit en périphérie de la ville, contrairement à un centre hospitalier à vocation universitaire.
[1] https://images.cieq.ca/CIEQ_WEB/multimedia/ISBN978-2-921926-42-3.pdf
Sur le plan environnemental, la construction du nouveau centre hospitalier à la périphérie du centre-ville engendrera l’artificialisation de plus 60 000 m2 de sol naturel. De surcroît, ce site se trouvera déconnecté du réseau de transport en commun et du réseau cyclable. Il est clair qu’un projet d’une telle envergure trouve toute sa légitimité sur le site proposé dans la stratégie urbaine Affluents élaborée par le Lab A4. Alors que le site retenu requiert la désaffectation d’un terrain de 56 000 m2 occupé par des activités de construction et de vastes aires de stationnement, l’option proposée par le Lab A4 s’arrime plutôt à la volonté de densifier le centre-ville de Gatineau, soit une avenue plébiscitée par les acteurs de la ville et le plan d’urbanisme en vigueur. Facilement accessible par le réseau routier, le transport en commun et le réseau de circulation douce (qui sera plus dense au terme du projet urbain proposé), la construction de ce projet au centre-ville permettrait de rehausser le statut de la ville de Gatineau au rang d’une ville éco-responsable et engagée dans l’aménagement de territoires animés, durables et favorisant la pérennité.